Dossier d’actualité de l’Ifri: Cop21 Paris 2015

cop21_002A la veille de l’ouverture de la COP21, le Sommet de Paris sur le climat, l’issue des négociations reste incertaine. La volonté politique de parvenir à un accord mondial n’a jamais été aussi forte, mais il faut encore trouver la voie du consensus sur de nombreux points comme la révision des objectifs nationaux de réduction des émissions ou encore le soutien financier aux pays en développement. Pour cet ultime rendez-vous, les 196 délégations devront dépasser les clivages historiques sur la répartition des efforts pour construire un modèle de coopération internationale novateur et durable.

Pour mieux comprendre ce qui se jouera au Bourget du 30 novembre au 11 décembre 2015, l’Ifri vous propose des éléments d’analyse sur les points clés de la négociation en cours ainsi que sur  la façon dont les questions de préservation du climat et de transition énergétique sont abordées dans différentes régions du monde.

 

Etudes / analyses :

Shaping Expectations to Foster the Low Carbon Transition: Can COP21 be a catalyst for action?, Carole Mathieu (Ifri), Rafaela Hillerbrand (KIT), Steve Pye (UCL), Insight_E Hot Energy Topic #11, October 2015
L’après COP21 – compte rendu de conférence, novembre 2015
India’s approach to climate negotiations: from the South to the North, Lydia Powell, Asie.Visions 79, septembre 2015
S’adapter au changement climatique, Marie-Claire Aoun, in RAMSES 2016, Ifri, septembre 2015                          

L’accord de Paris : des engagements contraignants ?, Carole Mathieu, in RAMSES 2016, Ifri, septembre 2015

Japan’s Energy and Climate Policy : Towards Dispelling the Uncertainties, Sylvie Cornot-Gandolphe, Carole Mathieu, Note de l’Ifri,  juin 2015
China’s Coming of Age on Climate Change. Just in time for Paris?, Aurélie Faure-Schuyer, John Seaman, Note de l’Ifri, juin 2015
Looking Ahead to COP21: What Korea has done and what Korea should do, Suh-Yong Chung, Actuelle de l’Ifri, juin 2015
Le secteur des énergies fossiles face au risque carbone, Carole Mathieu, Actuelle de l’Ifri, avril 2015

De 2020 à 2030, de Copenhague à Paris: l’age de raison de la politique climatique européenne?, Carole Mathieu,Actuelle de l’Ifri, décembre 2014

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Les relations franco-britanniques par Vivien Pertusot

Si le Premier ministre britannique David Cameron et le président français François Hollande affichent régulièrement leurs désaccords sur l’Union européenne et les questions économiques, l’alliance stratégique des deux puissances rivales n’a jamais été remise en cause depuis l’Entente cordiale d’avril 1904.

Holland-Cameron

Le 25 octobre 2013, lors d’un conseil européen, François Hollande s’entretient avec David Cameron. L’Union européenne est au cœur des principaux sujets de désaccord franco-britanniques et notamment la volonté du Premier ministre britannique de réformer l’Union européenne, ce qui pour le président français « n’est pas la priorité », car « on ne peut pas faire peser sur l’Europe le choix britannique ». (© Conseil européen)

Les relations entre la France et le Royaume-Uni se caractérisent par « une complémentarité difficile », selon l’expression de Geoffroy de Courcel, ambassadeur de France en poste à Londres dans les années soixante (1).

Cet apparent oxymore traduit une situation où les deux pays ont nourri une relation marquée par l’évidence de travailler ensemble, tout autant que celle de se percevoir comme des rivaux. Cela s’illustre à trois niveaux : au niveau des affaires stratégiques, au sein de l’Union européenne, ainsi que dans leur relation commerciale. Les raisons de cette « complémentarité difficile » trouvent leurs racines non seulement dans une histoire parsemée de guerres et de rivalités ouvertes, mais aussi dans deux conceptions différentes de l’échiquier international. L’Europe a notamment toujours été la pomme de discorde des relations franco-britanniques.

Le domaine stratégique : rapprochement de raison

La convergence d’intérêts sur les domaines stratégiques est aussi étonnante qu’elle est compréhensible. Surtout, elle est pragmatique. Avant le XXe siècle, ni la France ni le Royaume-Uni n’avaient particulièrement de raison d’envisager un rapprochement. Les deux pays possédaient des empires d’envergure, des capacités militaires robustes et ne percevaient pas de menaces imminentes sur le continent européen. L’avènement de la Triple Alliance en 1882 et la montée en puissance de l’Allemagne ont été d’importants vecteurs pour motiver une nouvelle donne entre Paris et Londres. Toutefois, l’Entente cordiale approuvée en 1904 n’était à l’époque pas comprise comme le fondement d’une alliance structurelle entre deux rivaux.

Cet accord aura en réalité jeté les fondations d’une coopération bilatérale stratégique jamais réellement remise en question. Malgré les suspicions et autres méfiances inhérentes à la relation franco-britannique, plusieurs facteurs ont confirmé l’utilité de maintenir une relation étroite. Tout d’abord, la France et le Royaume-Uni vont devenir les deux seuls pays européens à conserver une ambition internationale unissant les volets diplomatiques, commerciaux, culturels et militaires. Une des principales pierres angulaires de cette vision globale est leur siège permanent respectif au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Ensuite, les deux pays conservent des outils de défense assez similaires, qu’ils sont prêts à utiliser. La possession d’armes nucléaires indépendantes en est un exemple, mais aussi des formats d’armées et des postures de défense proches. Les deux pays ont certes connu de fortes réductions d’effectifs et de capacités depuis la fin de la guerre froide et des coupes budgétaires conséquentes depuis 2008. Toutefois, Français et Britanniques veulent encore maintenir une capacité d’action totale, même si la réalité est plus contrastée. Enfin, les deux pays s’accordent sur le principe que l’Europe doit être plus active en politique étrangère et de défense. Ils divergent néanmoins sur l’enceinte de prédilection afin d’y parvenir. Traditionnellement, le Royaume-Uni, fervent promoteur du lien transatlantique, estime que l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) doit être l’institution privilégiée pour la défense européenne. À l’inverse, la France préfère que les Européens développent une capacité autonome de celle de l’OTAN au sein de l’Union européenne. Si cette divergence perdure, elle est aujourd’hui estompée par des considérations beaucoup plus pragmatiques : peu importe la méthode, les Européens doivent être plus responsables en matière de sécurité et de défense.

La coopération stratégique franco-britannique demeure pragmatique et donc sujette aux soubresauts politiques. (…) François Hollande n’en a pour le moment pas fait un axe prioritaire.

La signature des traités de Lancaster House en novembre 2010 a marqué le point culminant de cette proximité stratégique. Cette coopération de défense répondait à des considérations de court et de moyen termes. Paris et Londres saisissaient bien la portée des coupes budgétaires et la nécessité de trouver des partenaires viables et de même calibre afin de conserver une force de frappe conséquente.

C’était particulièrement marqué pour la soutenabilité des capacités nucléaires, ainsi qu’au niveau industriel – la France et le Royaume-Uni maintiennent des bases industrielles et technologiques de défense (BITD) d’ampleur comparable. Sans parler d’intégration des BITD, il devenait clair des deux côtés de la Manche que leurs seules BITD nationales n’allaient plus suffire pour peser face aux États-Unis et aux industries émergentes. Il s’agissait également pour les deux puissances européennes de continuer à peser à l’échelle internationale et de pouvoir combiner leurs forces pour se déployer sur des théâtres parfois lointains.

Caricature datant de 1906, deux ans après l’« Entente cordiale » – une série d’accords bilatéraux signés entre le Royaume-Uni et la France, qui servit notamment à résoudre plusieurs différends coloniaux et à constituer le socle de la Triple-Entente formée avec l’Empire russe. On peut reconnaître sur ce dessin John Bull (personnage symbolisant l’Angleterre) et la Marianne française qui tournent le dos au Kaiser allemand, portant une épée sous son manteau. (© Bernard Partridge)

Caricature datant de 1906, deux ans après l’« Entente cordiale » – une série d’accords bilatéraux signés entre le Royaume-Uni et la France, qui servit notamment à résoudre plusieurs différends coloniaux et à constituer le socle de la Triple-Entente formée avec l’Empire russe. On peut reconnaître sur ce dessin John Bull (personnage symbolisant l’Angleterre) et la Marianne française qui tournent le dos au Kaiser allemand, portant une épée sous son manteau. (© Bernard Partridge)

La coopération franco-britannique en matière de sécurité et de défense est désormais acquise, mais pas sa portée. Sauf retournement majeur dans la politique étrangère et de sécurité de l’un des deux partenaires, l’intérêt de coopérer et de s’entendre demeurera. Ce qui est plus incertain en revanche est le périmètre de coopération que les deux chancelleries sont prêtes à maintenir sur le long terme. En effet, la coopération stratégique franco-britannique demeure pragmatique et donc sujette aux soubresauts politiques. En France, Nicolas Sarkozy était convaincu de sa pertinence et avait ainsi convoqué les ressources nécessaires à la signature des traités. À l’inverse, François Hollande n’en a pour le moment pas fait un axe prioritaire. De même, le référendum sur l’indépendance de l’Écosse soulevait des questions au sein de la Défense française : la perte de l’Écosse n’affaiblirait-elle pas le Royaume-Uni, déséquilibrant ainsi le partenariat franco-britannique ? Ce type de questions se pose à chaque tournant politique dans l’un ou l’autre pays. Aussi la France va-t-elle scruter les débats et la publication de la revue stratégique de défense et de sécurité (SDSR) prévue en 2015, car il s’agira de constater à quel point la Défense britannique va pouvoir limiter les coupes budgétaires et capacitaires, qui pourraient grever encore davantage un appareil de défense déjà sous pression. Si le domaine stratégique est devenu un axe de coopération central entre la France et le Royaume-Uni, la question européenne a, elle, nourri de nombreux désaccords entre les deux partenaires.D’où deux traités ambitieux signés entre Paris et Londres couvrant les domaines opérationnel, capacitaire, nucléaire et industriel. La coopération opérationnelle prendra la forme d’une Force expéditionnaire commune interarmées (CJEF), qui devrait être prête d’ici 2016. Bien que les deux appareils militaires aient l’habitude de travailler et de se déployer ensemble, établir une force commune présente de nombreux défis qui ralentissent son établissement. La coopération capacitaire se révèle également difficile. Le sommet franco-britannique, fin janvier 2014, a redonné un coup de projecteur à une coopération capacitaire et industrielle qui restait timorée, avec par exemple la confirmation du développement et de la production de missiles antinavires légers. Mais d’autres projets ont été abandonnés face aux choix unilatéraux des gouvernements français ou britannique. La coopération nucléaire est la plus discrète, mais semble être celle qui connaît le moins de remous…

Vivien PERTUSOT

L’article complet est paru dans « Les Grands Dossiers » de Diplomatie, n° 25, février 2015.

La fin des jours heureux pour l’Opep ? par Marie-Claire AOUN

L’histoire ne finit pas de se répéter: 1986, 1998, 2009 et 2014, des années qui ont vu plonger les cours du brut provoquant des crises économiques et sociales dans les pays producteurs de pétrole.
A chaque fois, l’effondrement des cours a rappelé la nécessité de conduire des réformes de diversification économique et d’atténuer la dépendance à l’égard du secteur des hydrocarbures, dont les recettes sont certes abondantes mais volatiles. L’histoire pétrolière est ponctuée de crises récurrentes avec des variations marquées et soudaines des prix. La période entre 2011 et 2014, caractérisée par une stabilité exceptionnelle des cours, est désormais terminée.

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Offre excédentaire mondiale avec le développement des pétroles de schiste aux Etats-Unis, demande pétrolière atone dans les pays consommateurs, les raisons de l’effondrement des prix du pétrole – de plus de 50% ces derniers mois – sont multiples et bien connues. La décision des pays membres de l’Opep de novembre dernier de maintenir leur niveau de production et de ne pas enrayer la chute des prix a fait couler beaucoup d’encre, quant aux velléités réelles de l’Arabie saoudite. Elle aurait conclu un pacte secret avec les Etats-Unis, pour nuire à l’Iran et à son allié russe. Les lectures géopolitiques sont nombreuses… Dans ce paysage en bouleversement, une seule certitude: l’Arabie saoudite est déterminée à préserver sa part de marché au détriment du prix.

Cette chute brutale et imprévue des prix aura probablement des effets positifs sur l’économie mondiale dans sa globalité. Elle amène aussi les acteurs industriels à revisiter leurs stratégies, les compagnies pétrolières annoncent des profits en baisse et des investissements en berne. Les pays importateurs, tels que la Chine et l’Inde, seraient les grands gagnants de ce nouvel ordre pétrolier mondial. Mais les premiers à souffrir de ce krach pétrolier sont les pays de l’Opep eux-mêmes. Le manque à gagner s’élèverait à plus de 375 milliards de dollars en 2015. Tout comme la Russie, les pays de l’Opep subissent de plein fouet la baisse des revenus de leurs exportations pétrolières, qui représentent en moyenne 70% de leurs exportations totales. Des crises économiques sont annoncées au Venezuela, en Iran, au Nigeria ou en Algérie, sans évoquer la forte instabilité géopolitique dans de nombreux pays producteurs de pétrole.

Le syndrome hollandais

En cause, le syndrome hollandais, cette logique économique implacable, observée aux Pays-Bas dans les années 1970, avec l’exploitation des gisements de gaz naturel de Groningue, qui se traduit par une forte appréciation du taux de change liée à l’expansion rapide du secteur pétrolier au détriment de la compétitivité des autres secteurs de l’économie. Ce serait donc le paradoxe de l’abondance en ressources naturelles. Les premiers à souffrir du krach pétrolier sont les pays de l’Opep eux-mêmes. Le manque à gagner s’élèverait à plus de 375 milliards de dollars en 2015.

Jusqu’en juin 2014, avec des prix du pétrole autour de 110 dollars par baril, ce spectre de la malédiction des ressources était bien loin, avec une croissance économique dans les pays producteurs de pétrole, tirée par le secteur des hydrocarbures. Mais les pays de l’Opep sont particulièrement dépensiers, avec des besoins sociaux élevés, des subventions importantes aux produits énergétiques et des programmes d’investissements ambitieux. À l’exception du Koweït, du Qatar et des Emirats arabes unis, les pays de l’Opep ont besoin d’un baril supérieur à 100 dollars pour équilibrer leur budget; la plupart affichant des budgets déficitaires en 2015.

Est-ce à dire que les pays de l’Opep n’ont rien fait ces dix dernières années pour se protéger contre les crises pétrolières et l’effondrement des cours? Probablement pas. De nombreux fonds souverains ont été établis, surtout dans les pays du Golfe, permettant à ces pays de puiser dans ces réserves durant les périodes d’effondrement des cours sans avoir à ajuster ou à reporter leurs dépenses d’infrastructures. Sous la houlette de quelques compagnies pétrolières internationales, les politiques de contenu local sont maintenant ancrées dans le paysage. Elles contribuent de plus en plus au développement du tissu industriel dans les pays producteurs en nouant des liens entre les activités pétrolières et gazières et les communautés locales.

Mais le besoin de réelles réformes économiques pour créer un secteur productif durable et compétitif reste cruel dans de nombreux pays. La réduction des subventions énergétiques massives constitue une première piste. Et si cette baisse des prix du pétrole pouvait enfin représenter une opportunité de réformes pour les pays producteurs de pétrole ?

Article paru dans L’Echo, Bruxelles, 4 mars 2015

Afrique – les évolutions paradoxales par cpasteau

afrique

Le 2 mars 2015, Alain Antil, responsable du programme Afrique subsaharienne à l’Institut français des relations internationales (Ifri), a donné au siège parisien d’Orange une conférence dont voici la synthèse.

 

L’Afrique vit une évolution paradoxale, marquée par des tendances extrêmement diverses. Ainsi, la croissance économique depuis 2000 a fait reculer la proportion de pauvres, mais la croissance démographique a simultanément fait augmenter le nombre de pauvres.

  1. Transformations économiques

– Une croissance soutenue
En 1950, le problème du continent semblait être celui de la faible densité: 200 millions de personnes habitaient alors en Afrique.
Après une période de croissance suite à la décolonisation, un retournement s’opère vers la moitié des années 1970. Au choc pétrolier s’ajoutent un endettement très fort (la dette devient le premier poste budgétaire, par exemple en Côte d’Ivoire où, entre les années 1970 et le début des années 1990, la dette est multipliée par 40) et une remise en question des modèles de développements fondés sur des productions agricoles ou minières (ainsi la Côte d’Ivoire souffre-t-elle de la concurrence internationale sur le cacao, le coton et le café). La croissance économique baisse alors à un rythme annuel de 2%, mais le taux de croissance du PIB par habitant devient négatif en raison de la croissance démographique trop forte: c’est le marasme.
Question: les tensions actuelles mèneront-elles à un nouveau choc ? Les économies minières feront-elles preuves de résilience ? La question se pose par exemple pour le Nigéria, dont le pétrole fournit 15% du PIB… mais 80% du budget de l’Etat. L’exemple de la résilience des économies africaines suite à la crise financière mondiale de 2008 est un bon signe.

– Émergence des classes moyennes
Par classe moyenne on entend ici les 400 millions d’Africains qui vivent avec plus de 2 dollars par jour, ce qui leur permet de quitter la survie et de se projeter un peu vers l’avenir. Cette classe moyenne flottante est cependant très fragile.
Les classes moyennes, autrefois composées de fonctionnaires, se diversifient actuellement.
La massification de l’éducation ayant échoué, le secteur privé de l’éducation a connu une forte croissance.

– La révolution du mobile
La part de la population connectée au réseau mobile est passée de 2% en 2000 à 84% en 2015.
Le fait que l’impôt repose sur la population dédouane les dirigeants de leur devoir de rendre service. L’arrivée du mobile, des cartes de prépaiement taxées, contribue à changer les choses.
Le mobile donne des atouts aux populations les plus fragiles, comme les agriculteurs qui dépendent du prix des denrées et qui sont désorganisés face aux marchands. Le mobile rend possible la circulation des informations, ce qui introduit un autre rapport de force.

  1. Évolutions sociales et sécuritaires

– La croissance démographique
La population sera multipliée par 10 entre 1950 et 2050, ce qui relativise les chiffres de croissance du PIB. L’Afrique profite du bonus démographique: une population jeune (très peu de 60+ ans) et active génère de la croissance.
La question de l’emploi est primordiale. Entre 80 et 90% des nouveaux entrants sur le marché du travail doivent se tourner vers le secteur informel. Il y a un problème de sous-activité. Deux marchés de l’emploi distincts et qui s’éloignent. Le marché est favorable pour les gens formés, car il y a grand besoin de cadres qualifiés; en revanche, le rapport de force favorise les employeurs quand les personnes sont faiblement ou pas du tout qualifiées. Le résultat est une augmentation spectaculaire des inégalités sociale, d’accès aux services de l’État, etc.
La population urbaine sera multipliée par 30 entre 1950 et 2050.
L’urbanisation amène une redéfinition des réseaux de solidarité. Ceux qui réussissent en ville favorisent leur famille nucléaire par rapport à la grande famille. Or le filet social en Afrique repose sur les liens familiaux, les tribus, les lignages. L’atténuation des solidarités traditionnelles est très difficilement vécue par ceux qui ne réussissent pas. D’où des phénomènes liés au religieux, à une perte de repères: les solidarités des religions ou de quartier viennent combler un manque.

– Les transformations du religieux
(Ces transformations sont vues à travers un prisme social.)
Paradoxe: au Niger, l’islamisme propose parfois aux femmes un cadre moins conservateur que celui de la société traditionnelle. Les femmes peuvent négocier plus de droits en se basant sur le Coran.
Autre exemple: en Mauritanie, le tabligh, fondamentalisme musulman quiétiste d’origine pakistanaise, est populaire auprès des Harratins (descendants d’esclaves arabisés) car ce mouvement est très égalitaire: tous les musulmans doivent être égaux.
Le vide laissé par les gouvernements dans la mise en place de système éducatif, a laissé la place à des ONG religieuses développées par de nouvelles élites : anciens étudiants qui ont obtenu des bourses et ont suivi des cursus théologiques dans les pays du Golfe, ne trouvent pas de place dans la société à leur retour: les muftis et les cadis sont déjà en place. Ils créent donc des organisations non-gouvernementales avec l’aide des contacts formés lors de leurs études.

– Évolutions de la conflictualité
L’évolution des moyens de communication transforme la médiatisation, ainsi on parle beaucoup plus des conflits malgré une létalité en forte diminution par rapport au siècle dernier: Boko Haram a occasionné le décès de 13.000 personnes depuis le début du mouvement, beaucoup moins que le nombre de victimes de la guerre du Biafra dans les années 1960, alors qu’on parle plus aujourd’hui de Boko Haram qu’on ne parlait du Biafra.

– La violence
Il n’y a pas de liens évidents entre violence et niveau de développement. L’Afrique du Sud, locomotive industrielle du continent, connaît le taux d’homicides le plus élevé. Nairobi, Johannesburg et Lagos, trois des plus grandes villes du continent, sont aussi les plus violentes.

En conclusion, une carte des âges médians par pays en Afrique (réalisée par le GlobalPost à partir des données du CIA Factbook) a permis de synthétiser les forces et les faiblesses de l’Afrique: le continent est riche de sa vitalité, mais les tensions sociales seront de moins en moins facilement régulées dans des pays comme le Niger, exemple extrême avec un âge médian de 15,1 an. Cela signifie que la moitié des habitants ont moins de quinze ans. Le pays d’Afrique avec l’âge médian le plus élevé est la Tunisie: 31,4 ans. Comment les jeunes pourront-ils trouver un travail ?
Les crises actuelles sont aussi celles de la non intégration d’espaces enclavés dans les circuits économiques: Nord du Mali, Nord du Nigeria, République centrafricaine, Soudan du Sud.

Les défis sont donc immenses.

Source: Starafrica.com