Les think tanks et la paix, par Sabine Jansen

Ni lobby, ni parti, ni centre universitaire, le think tank, au statut juridique variable, est un lieu de débat, d’information ainsi que de production de concepts et d’analyses. Il participe à cette diplomatie non gouvernementale, ou para-diplomatie, qui repose sur la fonction d’expertise et sur des capacités d’action transnationales. C’est un instrument d’influence, un des éléments du soft power théorisé par Joseph Nye1, qui agit à l’extérieur, par le biais d’échanges internationaux mais aussi, à l’intérieur, dans le cadre de l’aide à la décision. La justification même des think tanks repose sur leur capacité à produire de l’expertise, c’est-à-dire à rendre un avis appuyé sur des compétences et « sur une analyse rationnelle, l’ensemble ayant pour objectif de servir de guide à la décision ».QI-100_002

Littéralement « boîtes à penser » ou « boîtes à idées », les think tanks ont connu, au début des années 2000, une publicité tardive. L’un d’eux, le Project for the New American Century (PNAC) fondé en 1997 par William Kristol et Robert Kagan, a activement soutenu le projet d’invasion de l’Irak en 2003. D’obédience néoconservatrice, il a été, dès 1998, avec certains de ses membres comme Richard Perle, Paul Wolfowitz, Donald Rumsfeld ou John Bolton, l’actuel conseiller à la sécurité de Donald Trump, à l’initiative d’une lettre ouverte appelant au remplacement de Saddam Hussein, considéré comme une menace, et « à prendre les mesures nécessaires, y compris militaires pour protéger nos intérêts vitaux dans le Golfe ».

Après les attentats du 11 Septembre, la campagne fut reprise et amplifiée auprès de George W. Bush pour l’exhorter à intervenir militairement contre l’Irak. On connaît la suite. Le même président américain a aussi suivi les préconisations d’un autre think tank, la Heritage Foundation, à l’égard de la Corée du Nord en refusant systématiquement toute discussion bilatérale avec elle.

Belligènes, le PNAC et la Heritage Foundation ne sont cependant pas représentatifs des think tanks, dont l’histoire est au contraire intimement liée à la cause de la paix. Quoique le pavillon couvre des marchandises assez diverses et que sa forme ait évolué, les premiers think tank sont œuvré en faveur de l’entente entre les peuples…

Pour continuer la lecture:

Questions internationales N° 99-100, Octobre 2019, (p. 108-110)

 

Sabine Jansen : Les boîtes à idées de Marianne

 

 

 

 

La fin des Think Tanks

Les think tanks ne sont, peut-être, pas entièrement morts. Il y a dans ces groupes de réflexion des poches de résistances avec des individus qui font encore le travail empirique de la qualité. Si les fondations décident de les soutenir plus au lieu de continuer de ne miser que sur le marketing les groupes de réflexions actuellement en mort cérébrale peuvent être ramené à la vie peut-être.

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Le récent congédiement de Russ Whitehurst de la tête de l’unité de l’éducation de Brookings marque la fin des think tanks. Russ est un psychologue expérimental qui est devenu le directeur fondateur de l’Institut pour les sciences de l’éducation dans l’US Département de l’Éducation. Dans ce rôle, il a défendu l’utilisation des tests de contrôles imprévisibles (RCTs) pour étudier l’efficacité des politiques et des interventions éducatives, ce qu’était une énorme amélioration de la rigueur pour les projets financés par US ED. Il a ensuite entrepris la même rigueur à Brookings, où lui et ses collègues ont mené des politiques pertinentes et de recherches rapides qui respectaient les normes élevées de la science sociale.

« Mais le Brookings et la plupart des autres groupes de réflexion ont perdu tout intérêt pour la science sociale rigoureuse. Il y a relativement peu de pensé aux think tanks ces jours. Au lieu de cela, ils ont choisi de se concentrer presque exclusivement sur le marketing »

Mais le Brookings et la plupart des autres groupes de réflexion ont perdu tout intérêt pour la science sociale rigoureuse. Il y a relativement peu de pensé aux think tanks ces jours. Au lieu de cela, ils ont choisi de se concentrer presque exclusivement sur le marketing, ne réalisant pas que le marketing efficace nécessite la production de nouvelles informations de haute qualité. Sans une recherche rigoureuse, les think tanks répètent simplement les points d’une discussion en essayent d’être plus intelligent dans leur phrasé et plus persistant dans leur communication afin qu’ils puissent se faire entendre au-dessus du vacarme ou tout le monde fait la même chose.
C’est une stratégie perdante, au moins pour les réformateurs dans l’éducation. Les syndicats et leurs alliés aussi savent comment répéter les points d’une discussion sans fin. Et ils ont les ressources et le nombre pour noyer les réformateurs. Les réformateurs ont le délire de leur influence en raison des milliers de partisans qu’ils ont sur Twitter et de nombre de visites sur leurs sites web, en refusant de réaliser combien sont plus importants les ‘likes’ de Diane Ravitch et de son armée des ‘Enseignants en colère’ dans les réseaux sociaux. Dans leur petit monde insulaire, les think tank réformateurs dans l’éducation sont les Rois des Lilliputiens.

La seule façon d’affronter un grand établissement d’éducation doté de meilleures ressources est la recherche de qualité. Décideurs politiques raisonnables et non engagés et les élites influentes ont les doutes sur le status quo dans l’éducation, mais n’ont pas la certitude ni sur la nature des problèmes ni comment les corriger. Les syndicats et leurs alliés ont des explications. Les écoles sont en proie de l’insuffisance des ressources et des problèmes sociaux tels que la pauvreté, disent-ils. Les solutions qu’ils proposent sont l’augmentation des dépenses et les services sociaux plus larges et plus audacieux dans les écoles comme le meilleur moyen d’améliorer l’éducation. Si les réformateurs ont différentes descriptions des problèmes et veulent offrir des solutions alternatives, ils ont besoin de preuves de qualité pour persuader les élites politiques raisonnables, mais indécise. Les réformistes ne peuvent ni prévaloir  ni dépasser l’établissement de l’éducation. Ils doivent se surpasser eux-mêmes et ça exige une recherche rigoureuse.

Malheureusement, les fondations et les autres donateurs dirigent les think tanks loin de la recherche. Dans une analyse récente que j’ai faite pour un livre à paraître sur l’éducation et la philanthropie, j’ai trouvé que les 15 plus grandes fondations de l’éducation ne consacrent que 5,9% de leurs dons pour soutenir la recherche, dont certains sont en fait les marketings déguisées en fausses recherches. Ces fondations dépensent près de cinq fois plus sur les activités qui sont les marketings non déguisée. Et la plupart de cette petite quantité du financement pour la recherche va aux universités, de sorte que le rapport de soutien à la recherche par rapport au marketing dans les think tanks est complètement déraisonnable.

Je comprends la nécessité pour les gens qui sont des communicateurs efficaces de traduire et de résumer la recherche pour un public des politiques. Mais lorsque le financement pour le marketing dépasse recherche rigoureuse de plus de cinq fois il n’y aura plus assez de recherche pour tous ces communicants : ni de les traduire ni de les résumer. Ils vont juste jaillir sans cesse ces blablas insignifiants, ce qui est ce que beaucoup d’entre eux font maintenant. Et ils le font parce que c’est cela que les donateurs et les fondations ont choisi de financer.

Fondations ont besoin de rétablir un équilibre entre le soutien à la recherche de la qualité et le marketing s’ils veulent réussir l’amélioration de système d’éducation. Ils peuvent le faire par le soutien à la recherche effectuée dans les universités de plus en plus. Bon nombre des facteurs qui ont poussé les fondations pour soutenir la recherche au think tanks à la place des universités ont disparu.

« Mais lorsque le financement pour le marketing dépasse recherche rigoureuse de plus de cinq fois il n’y aura plus de recherche pour tous ces communicants : ni pour les traduire ni pour les résumer. Ils vont juste débiter sans cesse ces blablablas insignifiants, ce qui est ce que beaucoup d’entre eux font maintenant. Et ils le font parce que c’est cela que les donateurs et les fondations ont choisi de financer. »

Les universitaires étaient autrefois trop lentes dans la production de travail et avaient la tendance de fuir la politique et des sujets pertinents. Pas plus. Il est maintenant pratique courante et récompensés pour les professeurs d’aborder des questions actuelles et de publier les résultats de leur travail rapidement. Et la mainmise idéologique qui empêchait examen honnête des efforts de réforme a également assoupli de manière significative. Si les think tanks sont vraiment morts, alors  longue vie à la recherche, en direct dans les universités … mais seulement si les fondations consacrent plus de fonds à elle.

Les think tanks ne sont, peut-être, pas entièrement morts. Il y a dans ces groupes de réflexion des poches de résistances avec des individus qui font encore le travail empirique de la qualité. Si fondations décident de les soutenir plus et de pousser les think tanks à licencier plus (et surtout pas les chercheurs de qualité comme Russ Whitehurst), les groupes de réflexions actuellement en mort cérébrale peuvent être ramené à la vie peut-être.

L’avenir de la recherche de qualité en éducation repose entre les mains des fonctionnaires de programme et des dirigeants en principales fondations. Le financement du gouvernement pour la recherche se rétrécit et il est de plus en plus politisé. Si nous voulons voir une recherche plus rigoureuse et moins twitter-radotage, les fondations devront changer leurs priorités de financement.

par Jay P. Greene

Traduction : Azra Isakovic

Source : EdNext